Quand on pense à la conjugaison, on pense souvent aux fameux groupes verbaux français, aux innombrables terminaisons selon les temps ou encore aux exceptions, comme le verbe aller en français ou les verbes irréguliers anglais. Bref, pour la faire courte, le mot conjugaison rime davantage avec galère et prise de tête qu’avec joie et bonne humeur. Et si je vous disais que pour une fois, nous allons apprécier parler conjugaison et les temps verbaux ? Que nous pourrions prendre une revanche sur nos professeurs de langue à l’école ? Difficile à croire, et pourtant je suis prêt à parier que vous serez du même avis que moi !
Dans cet article, nous allons donc nous plonger dans les bases de la conjugaison vietnamienne, ou tout du moins ce que j’ai pu apprendre avec mes maigres connaissances. Pour une meilleure compréhension du sujet et pour éviter les redites, je vous encourage à prendre connaissance de l’alphabet et des accents vietnamiens en amont, afin de pouvoir bien prononcer les exemples qui vont suivre. En route pour le monde merveilleux du passé, du présent et aussi du futur !
La conjugaison vietnamienne ? Un jeu d’enfant !
Dans de précédents billets de blog portant sur la langue vietnamienne, nous avons déjà parlé de la diversité des pronoms personnels vietnamiens. Pour rappel, il n’y a pas d’ensemble similaire à notre « je tu il/elle nous vous ils/elles« , mais plutôt des couples de pronoms en fonction des interlocuteurs et du contexte. Même si ce système de pronoms n’est pas évident à prendre en main, sachez qu’il n’impacte pas la conjugaison des verbes. Oui oui, vous avez bien lu, les verbes vietnamiens sont invariables, peu importe le temps verbal ou le pronom utilisé. Il n’est donc pas nécessaire d’apprendre par cœur des conjugaisons et des groupes de verbes comme en français, ou bien le bon vieux prétérit anglais et ses verbes irréguliers (adieu choose, chose, chosen). Une fois que l’on connaît l’infinitif d’un verbe vietnamien, on est capable de l’utiliser dans n’importe quel type de phrase, et ça c’est carrément la classe ! 🙂
Pour la suite de l’article, je vous propose d’utiliser arbitrairement le couple de pronoms anh/em afin d’illustrer mes propos, étant donné qu’ils n’ont pas d’effet sur la conjugaison. Je vous propose également d’utiliser les verbes đợi et ăn, qui signifient respectivement attendre et manger. Maintenant que tout est en place, voyons comment fabriquer des phrases en fonction du temps voulu.
Le passé, le présent et le futur en vietnamien
Comme nous l’avons vu dans la section précédente, il n’existe pas vraiment de conjugaisons dans la langue vietnamienne. À la place, nous allons simplement précéder le verbe d’une sorte d’auxiliaire unique, qui va porter la marque du temps. C’est cet auxiliaire qui va nous indiquer si notre phase s’inscrit dans le passé, dans le présent ou dans le futur. Ainsi, lorsqu’on fait une phrase, on peut avoir recours aux structures grammaticales suivantes :
- đã + verbe, qui évoque une action dans le passé
- Le verbe seul lorsqu’on parle au présent
- Enfin, sẽ + verbe pour une action qui se passe le futur
Vous pensez peut-être que je vous tends un piège, et que je garde les difficultés pour la suite de l’article ? Vous risquez d’être déçu, c’est vraiment aussi simple que ça. Quand je pense au temps perdu à apprendre par cœur des terminaisons et des temps, on peut dire que la conjugaison vietnamienne, c’est le top du top. On comprend mieux pourquoi ceux qui étudient le français en tant que langue étrangère se plaignent autant. En moins de 5 minutes d’apprentissage, vous êtes déjà en capacité de faire des phrases dans les différents temps, pourvu que vous vous souveniez des verbes appris dans la section précédente :
- Anh đã đợi em -> je t’ai attendu
- Anh đợi em -> je t’attends
- Anh sẽ đợi em -> je t’attendrai
Pour le cas spécifique du présent, il existe également un auxiliaire pour préciser qu’une action est en cours de déroulement, à l’image du présent be+ing anglais. Il s’agit de la structure verbale đang + verbe, que l’on pourrait traduire en français par une expression comme « en train de ». Ainsi, par rapport à notre exemple précédent :
- Anh đợi em -> je t’attends
- Anh đang đợi em -> je suis en train de t’attendre
Certes, la différence est minime, mais je voulais quand même en dire un mot dans cet article, car đang est régulièrement employé dans des conversations. Bien que ces trois auxiliaires permettent de situer simplement une phrase dans le temps, ils peuvent parfois manquer un peu de précision, notamment en comparaison du nombre de temps qu’il y a dans la langue française. C’est pourquoi les vietnamiens ont d’autres parades pour compléter ces auxiliaires, que l’on va découvrir dans la section suivante !
Le cas particulier des mots rồi et chưa
Pour aller un poil plus loin dans la conjugaison vietnamienne, il faut savoir que les auxiliaires que l’on a vus ne sont pas les seuls à pouvoir porter la marque du temps. Comme annoncé dans le titre de cette section, nous allons nous pencher sur le cas des mots rồi et chưa, qui s’exploitent différemment des auxiliaires précédents. Le premier mot, rồi, s’ajoute en fin de phrase, et décrit une action terminée, qui s’est déjà produite. Le second, chưa, désigne au contraire un fait qui n’a pas encore eu lieu. À noter que chưa peut s’utiliser devant le verbe (comme un auxiliaire) ou à la fin de la phrase, comme rồi. Pour ne pas me mélanger les pinceaux, j’ai tendance à utiliser rồi et chưa en fin de phrase, comme si on avait les auxiliaires d’un côté et ces deux mots dans une autre section. Des exemples valent mieux que mille mots, voici ce que ça pourrait donner, avec cette fois-ci le verbe manger :
- Anh ăn -> je mange
- Anh ăn chưa ou Anh chưa ăn -> je n’ai pas encore mangé
- Anh ăn rồi -> J’ai déjà mangé
On peut voir que rồi et chưa se suffisent à eux-mêmes, il n’est pas nécessaire d’ajouter l’auxiliaire đã avec ces marqueurs. La phase Anh đã ăn rồi reste valide, mais je pense entendre plus souvent rồi seul qu’accompagné de l’auxiliaire. D’ailleurs, j’ai l’impression que rồi et chưa sont extrêmement utilisés dans la langue vietnamienne, puisqu’ils permettent également de poser des questions. Je dédierai sans doute un article complet sur les phrases interrogatives en vietnamien, mais on pourrait avoir par exemple la question-réponse suivante :
- em (đã) ăn chưa ? -> As-tu déjà mangé ?
- anh ăn rồi ou tout simplement juste rồi -> J’ai déjà mangé
Enfin, je vous partage une petite note sur une des difficultés que j’ai eues pour appréhender ces deux mots : il faut faire attention lorsqu’on les cumule avec la négation. En apprenant le vietnamien, j’ai tout d’abord appris à dire oui (vâng) et non (không) pour répondre aux questions. Puis en apprenant rồi et chưa, j’ai commencé à faire des mélanges en commençant par dire oui ou non, et en terminant par rồi et chưa. Typiquement, voici les erreurs que j’ai pu commettre sur la question em (đã) ăn chưa ?
- anh không ăn -> Pas très précis, ça reviendrait à dire « Je ne mange pas »
- anh không ăn chưa -> Faux, ça reviendrait à dire quelque chose comme « Je n’ai pas pas encore mangé », on sent bien que ça sonne faux
- anh ăn chưa ou tout simplement juste chưa -> C’est la bonne version : Je n’ai pas encore mangé
Ce n’est vraiment pas très compliqué à comprendre, mais j’ai pourtant galéré un bon bout de temps avant d’enregistrer que chưa portait déjà la négation, et qu’il ne fallait pas en rajouter. Dans le même genre de problématique, je pense que anh không ăn rồi est valide d’un point de vue grammatical (« je n’ai pas déjà mangé »), mais un vietnamien dira sans doute chưa plutôt que de cumuler không + rồi. Il y a en quelque sorte une dualité entre rồi pour le « déjà » et chưa pour le « pas encore ».
Dernier petit conseil avant de clore cette section : une question qui se termine par rồi ou chưa attend le plus souvent en réponse un simple rồi ou chưa, suivi éventuellement par une marque de politesse. On en parlera dans l’article sur les questions, mais j’espère qu’avec ces informations, vous allez éviter ce qui m’apparaissait comme des petits pièges dans la langue vietnamienne ! 🙂
Finalement, que retenir de la conjugaison vietnamienne ?
Rien que de par la taille de cet article, une conclusion s’impose : la conjugaison vietnamienne est d’une simplicité et d’une efficacité remarquable. Bien sûr, je vous rappelle une nouvelle fois mon très faible niveau en vietnamien, et je suppose que les choses se complexifient si l’on approfondit le sujet. Mais malgré tout, à ce stade de l’apprentissage, nous sommes capables de nous exprimer dans les différents temps verbaux juste en connaissant les verbes à l’infinitif. Pas de groupes verbaux, pas de terminaisons complexes et pas non plus d’exceptions … Le rêve. C’est presque à se réconcilier avec l’étude des langues étrangères. 🙂
Par ailleurs, il faut bien garder en tête la distinction entre les trois auxiliaires đã, đang et sẽ versus le couple rồi et chưa, chacun ayant ses propres spécificités et son mode d’utilisation que l’on a vu précédemment. Rien de bien compliqué en somme, pourvu que l’on prenne quelques secondes pour les placer au bon endroit dans sa phrase. Une fois ces quelques connaissances acquises, il nous suffit d’absorber le « dictionnaire des verbes » pour pouvoir échanger sur tous les sujets du monde.
Enfin, la simplicité de la conjugaison ne doit pas nous faire oublier d’autres difficultés comme les pronoms personnels vietnamiens ou les tons et les accents de l’alphabet. Aujourd’hui, je me sens capable de tenir une brève conversation à l’écrit, par contre c’est toujours une véritable catastrophe à l’oral, même ChatGPT audio ne comprend rien à ce que je lui raconte. Voilà qui me promet encore beaucoup de choses à apprendre, et je ne manquerai pas de vous partager mes futures découvertes !
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